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Mon travail comme actrice culturelle consiste à donner sens à cette phrase, inscrite au crayon sur le mur de ma chambre d'adolescente. Le théâtre n'est utile à rien; il n'a pas d'intérêt politique, ni économique. Inutile mais pas insensé, le théâtre est sans doute un des derniers lieux où des humains se rassemblent dans un espace et un temps communs; un lieu d'expression libre pour se raconter le monde en chair, en os et en direct. Le théâtre, ce n'est que ça : des humains qui bougent et parlent pour les autres qui les regardent et les écoutent. Dans cet acte, on cherche à partager ensemble une expérience sensible et critique où l'on donne et l'on reçoit une perception du monde. S'arrêter le temps d'une pièce; écouter, regarder, sentir et ressentir, et puis élaborer peut-être ensuite, développer un avis et prendre une position. Le théâtre est un lieu où l'on peut créer de la pensée, transmettre des enseignements et permettre des apprentissages. Sans les influences politiques et économiques, je pense même qu'il est le dernier lieu public qui permette la libre transmission d'informations, d'idées, de valeurs indispensables à une démocratie. Le théâtre c'est aussi un temps en dehors de l'engrenage de nos quotidiens pour faire place à la poésie et à la beauté. Un temps pour l'âme réellement. Enfin, c'est le lieu qui peut rassembler dans une expérience commune des humains de toutes sortes et créer entre eux un lien; un lieu pour le lien social en d'autres termes. Enjeu difficile, puisque le public vient pour le thème, pour le style, pour le comédien ou le metteur en scène, pour appartenir au groupe de ceux qui se cultivent, qu'une place de théâtre a son prix et que tous ne peuvent pas se l'offrir, etc. Tous des facteurs qui ne réunissent pas l'ensemble des gens. Enjeu louable, cependant, puisque "rassembler les différences " se raréfie. Avec la compagnie MATITA, je souhaite me concentrer sur ces buts, au-delà des peurs, de l'égo, de la recherche de reconnaissance, du copinage. Il s'agit de développer un savoir pour traduire le monde et le transposer sur la scène, avec justesse, avec fidélité pour qu'il puisse agir sur les plans cognitifs, émotifs et sociaux; pour qu'il puisse beaucoup, là où du moins il y a de la vie.

mathildeclouxpro

Au rythme des mesures énoncées, les activités culturelles tombent, comme les feuilles des arbres, les unes après les autres; c'est de saison.

Chanceux.ses; et heureux.ses !; d'avoir pu jouer notre création 2020 entre deux vagues, malgré l'annulation de nos projets de fin d'année, nous sommes comme tous les autres, pleins de questions sur le système, le sens, l

a manière, le contexte, les droits, les devoirs, les possibles, les impossibles et tâchons d'y trouver nos réponses.

Nous tâchons d'être patients, car nous le pouvons. Nous tâchons d'être pensants, car nous le pouvons. Nous continuerons de défendre la pratique artistique professionnelle indépendante, sous une forme qui soit la plus juste et la plus honnête, et de parcourir tant qu'il fera sens ce chemin sinueux.

Dans cette atmosphère étrange, en pleine période de pandémie à durée indéterminée, nous sommes à la fois ravis, à la fois prudents, de vous annoncer que, si tout va bien, Madame f se jouera à nouveau, du 5 au 8 mai au Théâtricul à Genève et qu'on se réjouit, pleinement, de cette nouvelle.

mathildeclouxpro


Réouverture des magasins et des restaurants, retour des enfants à l'école, la fourmilière se remet en mouvement.

Le secteur culturel, encore spectateur du déconfinement, est aux prises avec les questions quant à son évolution : règlement impraticable, insécurité financière, avenir incertain. Si Churchill était clair, du moins dans ce qu'il reste de son discours, l'attitude des décideurs d'ici et d'aujourd'hui ne rassure pas, ou pas encore, ou pas assez, ou pas tout le monde. Le chamboulement est conséquent, l'émotivité palpable, les acteurs et actrices culturelles réagissent, emplis du sentiment de devoir, encore, légitimer leur existence. Ils déploient leurs voix et revendiquent leurs droits.

Dans ce contexte opportun pour les réflexions de fond à propos du monde des humains, de la machine qui le fait tourner, sur la place et la participation des artistes en son sein, la compagnie MATITA prend de la hauteur et se remet à la tâche. Sans crédulité, sans fermer les yeux, sans remettre à plus tard les positionnements qu'il est, paradoxalement, urgent de prendre le temps d'établir patiemment. Avec une confiance solide dans l'avenir et la certitude qu'il y a des chemins à tracer; et qu'ils commencent par faire ce que doit faire l'artiste : créer.


"Le révolté ne nie pas l'histoire qui l'entoure, c'est en elle qu'il essaie de s'affirmer. (...) Il se trouve devant elle comme l'artiste devant le réel, il la repousse sans s'y dérober. Pas une seconde, il en fait un absolu" L'Homme Révolté, Albert Camus, 1951

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